Fournitures funéraires Victoriaville inc. et Métivier 2018, QCTAT 1522
Date de décision: 19/03/2018
Mots-clés: Article 2 LATMP, Article 28 LATMP, Attribuable à toute cause, Blessure survenue par le fait ou à l'occasion du travail, Chute, Contusions multiples, Expertise médicale, Opératrice, Perte de conscience, Présomption de l'article 28, Syncope vasovagale, Syndrome commotionnel
Trois dossiers sont ici en jeu, tous les trois contestants une décision de la CNESST. La première décision, en date du 18 septembre 2015 et contestée par l’employeur, est à l’effet que la travailleuse a subi une lésion professionnelle lors d’un incident survenu le 14 mai 2015. La deuxième décision, en date du 14 janvier 2016 et contestée par la travailleuse, est à l’effet que le syndrome commotionnel n’est pas lié à l’incident du 14 mai 2015. La troisième décision, en date du 16 mai 2016, est contestée par la travailleuse strictement au niveau du diagnostic retenu par le bureau d’évaluation médicale (BÉM) : la travailleuse souhaite y ajouter le diagnostic de syndrome commotionnel.
Les faits
La travailleuse occupe un emploi d’opératrice de plisseuses automatiques dans une entreprise qui œuvre à la fabrication de cercueils. Le 14 mai 2015 elle souffre d’une syncope alors qu’elle est à son travail et perd connaissance, chutant de la plateforme sur laquelle elle travaille, à 8 pouces du sol. Elle consulte une médecin le jour même puis deux autres dans le mois suivant, qui prescrivent et prolongent un arrêt de travail. Le qui deviendra son médecin traitant, le docteur Bétit, retient le diagnostic de contusion lombo-sacrée, contusion sacro-iliaque bilatérale et syndrome commotionnel, avant de retirer le syndrome commotionnel de son rapport médical final.
Le mois de novembre suivant, elle consulte un neurochirurgien à la demande de l’employeur. Celui-ci allègue que la travailleuse aurait donné de mauvaises informations aux experts médicaux précédemment consultés à l’effet qu’elle aurait chuté directement sur le plancher, écartant donc tout diagnostic. Le neurochirurgien fait plutôt allusion au témoignage d’une collègue à l’effet qu’elle aurait été attrapée puis déposée par terre. Il allègue également que les symptômes commotionnels sont survenus beaucoup trop tard pour expliquer le diagnostic de syndrome commotionnel. Le docteur Roux s’oppose à cette analyse, relatant que la travailleuse présentait des symptômes dès la première rencontre. Le médecin du BÉM, retient quant à lui, les diagnostic de contusion mais pas de syndrome commotionnel. La travailleuse va également témoigner en audience avoir subi beaucoup de stress au travail, ce que son médecin traitant retient comme cause possible de la syncope. Le médecin de l’employeurs et celui du BÉM n’ont pas eu accès à cette information lors de la rédaction de leurs comptes rendus.
L’analyse
L’employeur plaide le renversement de la présomption de l’article 28 de la LATMP en vertu de la nature personnelle de la syncope. Il rejette également les symptômes commotionnels, soutenant que la preuve ne permet pas d’expliquer ce diagnostic et que les symptômes de la travailleuse sont apparus trop tardivement. Le procureur de la travailleuse, lui, plaide que l’incident n’est pas la syncope mais bien la chute qui constitue l’accident de travail, puisque l’accident de travail est défini à l’article 2 de la LATMP comme « attribuable à toute cause », la cause de la chute n’est pas pertinente au dossier.
D’abord, le Tribunal retient le diagnostic du BÉM, soit les contusions sans le symptômes commotionnels, puisque la preuve médicale ne fait pas état de l’apparition de ces symptômes avant plusieurs semaines après l’accident. Cependant, le Tribunal penche en faveur de l’application de la présomption de l’article 28 puisque la travailleuse était à son poste de travail lorsqu’elle s’est blessée. Quant au renversement de cette présomption, le Tribunal concède l’existence d’une cause personnelle chez la travailleuse, mais y oppose que l’existence d’une condition personnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle. Quant à la cause de l’accident, le Tribunal tranche que la chute a causé les contusions et la syncope a causé la chute. La contestation de la travailleuse est accueillie.