Cormier c. Commission des lésions professionnelles, 2009 QCCS 730
Date de décision: 12/02/2009
Mots-clés: Article 351 LATMP, Article 352 LATMP, Article 353 LATMP, Article 429.56 LATMP, Cour supérieure, Décision favorable à la travailleuse, Enseignante, Entorse au pied gauche, Erreur de fait, Fait nouveau, Formation FTQ Plaideur TAT, Hors délai, Lésion professionnelle, Motif raisonnable, Réclamation hors délai, Thrombophlébite profonde
Jugement fort important en matière de réclamation déposée hors délais.
Les faits
La travailleuse est victime d’un accident du travail le 27 mai 1982, soit une entorse au pied gauche qui a entraîné une thrombophlébite profonde. La CSST ne prend pas en compte les rechutes du 13 octobre 1982 et du 12 septembre 1983. Le 31 mars 1988, l’accident du 2 octobre 1985 n’est pas reconnu par la CALP comme une rechute de l’accident du 27 mai 1982. Par contre, la CSST ou la CALP acceptent des rechutes survenues en 1988 et 1991.
La CLP rejette le moyen préliminaire de la CSST le 8 février 2007, affirmant que la lettre du 29 juillet constituait une décision, accueille la demande de la travailleuse et affirme qu’elle a subi une lésion professionnelle le 2 octobre 1985. La CLP reçoit la requête en révision de la CSST le 8 janvier 2008, modifie la décision du 8 février 2007 et affirme que, le 2 octobre 1985, la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle. La salariée réclame la révision judiciaire de cette dernière décision.
L’analyse
Premièrement, en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, le tribunal doit évaluer si la décision de la CLP en révision est raisonnable lorsqu’elle indique que la première décision est entachée d’un vice de fond ou de procédure. Pour renverser la décision première, la CLP en révision en vient à la conclusion que le fait que la CSST ait versé à la travailleuse en 2004 l’indemnité de remplacement du revenu pour la période d’octobre 1982 à septembre 1983 n’est pas considéré comme un « fait nouveau » au sens de l’article 429.56. Le « fait nouveau » est plutôt le fait qu’en 2003 les parties ont appris que l’événement du 12 septembre 1983 était considéré comme une rechute de l’accident du 27 mai 1982. Le premier commissaire est également pointé du doigt par la CSST pour avoir mal interprété la lettre du 29 juillet 2005, en concluant qu’il s’agit d’une décision de CSST. C’est dans ce contexte que la travailleuse lui demande une nouvelle opinion sur l’événement de 1985 après que la CSST ait reconnu une erreur de plus de 20 ans. Il existe donc un fait nouveau, alors que la décision de la Cour d’appel invoquée par la CSST précise au contraire l’absence de fait nouveau.
En ce qui concerne le délai, l’ensemble de ce dossier repose sur une erreur commise de bonne foi, mais tout de même une erreur de la CSST. Dans le cadre de la question de l’équité, la CSST ne peut plus se plaindre des délais et se préoccuper de la procédure alors que le mérite est clair. C’est plutôt à la travailleuse de se plaindre de ce long délai, des longues luttes qu’elle a dû mener pour réussir à gagner son point de vue. Les autorités administratives doivent arrêter d’être plus strictes que les tribunaux de droit commun quant à la procédure. Très rarement, devant un tribunal, un justiciable perd un droit à cause de la procédure. L’article 352 LATMP autorise la prolongation d’un délai en présence de motifs raisonnables. Étant donné que le commissaire en révision a commis une erreur manifeste et déterminante en interprétant un fait nouveau, et que sa décision ne répond pas au critère de décision raisonnable d’une décision en révision par le même organisme administratif, et que la CSST n’a pas réussi à démontrer que la décision du premier commissaire n’est pas raisonnable, il est nécessaire de rétablir cette décision du 8 février 2007. Au final, le Tribunal déclare que la demanderesse a été victime d’une lésion professionnelle (rechute le 2 octobre 1985) et ordonne à la CSST de l’indemniser en conséquence.