Collège Charlemagne inc. et Desanlis, 2024 QCTAT 3729
Date de décision: 11/10/2024
Mots-clés: Article 205.1 LATMP, Article 206 LATMP, Article 209 LATMP, Article 212 LATMP, Article 212.1 LATMP, Article 218 LATMP, Article 224.1 LATMP, Article 4 Loi sur la justice administrative, Article 41 Loi d'interprétation, Article 43 LITAT, Bureau d'évaluation médicale, Cuisinière, Décision favorable aux parties, Diligence, Emploi convenable, Limitations fonctionnelles, Médecin qui a charge, Primauté du professionnel de la santé qui a charge, Professionnel de la santé désigné, Trouble de l'adaptation avec humeur mixte
Le diagnostic de la lésion professionnelle en cause est celui de trouble de l’adaptation avec humeur mixte. Cette lésion survient en octobre 2017. Le 15 novembre 2019, la CNESST transmet au BEM la demande de l’employeur afin que la travailleuse soit évaluée. Les questions médicales visées sont plus particulièrement la consolidation, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, l’avis du professionnel de la santé désigné par l’employeur infirmant celui du professionnel de la santé qui a charge portant sur ces 3 sujets. Le 20 novembre 2019, puis le 21 janvier 2020, sans attendre les conclusions du BEM relativement aux questions médicales contestées par l’employeur, la CNESST rend des décisions portant sur le droit de la travailleuse à la réadaptation et détermine à cette dernière un emploi convenable ailleurs que chez l’employeur. Elle prend alors en considération les limitations fonctionnelles établies par le professionnel de la santé qui a charge. L’employeur conteste ces décisions.
Le TAT souligne que, lorsque la procédure d’évaluation médicale est perturbée parce qu’aucun membre du BEM n’est désigné, la CNESST ne peut se permettre de simplement demeurer en attente. Il rappelle à cet égard, à titre d’exemple, le paragraphe 3 de l’article 4 de la Loi sur la justice administrative, qui prévoit que l’Administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s’assurer que les décisions sont prises avec diligence.
Le TAT constate par ailleurs que le fait de rendre une décision fondée sur les conclusions du professionnel de la santé qui a charge, à défaut d’obtenir un avis du BEM, est conforme à une interprétation jurisprudentielle selon laquelle la primauté des conclusions du professionnel de la santé qui a charge constitue un principe fondamental de la LATMP, la CNESST étant liée par ces conclusions tant qu’un membre du BEM n’a pas rendu un avis.
Cependant, le TAT ne souscrit pas à ce courant jurisprudentiel. Il rappelle que l’employeur n’est pas responsable de l’impossibilité d’obtenir un avis du BEM. En l’espèce, il a entrepris les démarches afin d’obtenir un avis du professionnel de la santé qu’il avait désigné ainsi que pour amorcer la procédure d’évaluation médicale, et ce, en respectant les délais prévus par la loi. Le TAT estime que le fait de rendre une décision sans attendre un avis du BEM prive l’employeur de son droit de contester les conclusions du professionnel de la santé qui a charge.
Toutefois, étant donné que les parties s’entendent pour requérir une solution fondée sur cet alinéa, le TAT considère qu’il peut l’appliquer par analogie afin de dénouer l’impasse devant laquelle elles se trouvent. À cet égard, il s’appuie sur l’article 43 de la LITAT.
Le TAT reconnaît que, en faisant droit à la demande des parties, il replace ces dernières en situation d’attente, la CNESST n’ayant pris aucun engagement relativement à la désignation d’un professionnel de la santé. Il ordonne à la CNESST de désigner et de mandater un professionnel de la santé afin qu’il évalue la travailleuse et produise un avis écrit.
Un délai de 6 mois, à compter de la décision du TAT, est imposé à la CNESST pour se conformer à l’ordonnance. Si cette dernière n’a rendu aucune décision au terme de ce délai, les parties seront convoquées à une audience sur le fond des litiges.