Mayer et Centre de santé et de services sociaux des Sommets, 2023 QCTAT 2609
Date de décision: 12/06/2023
Mots-clés: Agression physique, Article 2 LATMP, Blessure poignet, Condition personnelle préexistante, Décision favorable à la travailleuse, Préposée aux bénéficiaires, Récidive rechute ou aggravation, Stress post-traumatique, Théorie du crâne fragile
La travailleuse, préposée aux bénéficiaires, demande au TAT de reconnaître que le diagnostic d’état de stress post-traumatique, en date du 27 juin 2019, constitue une rechute, récidive ou aggravation de l’accident du travail d’origine dont elle a été victime le 6 mars 2018. La jurisprudence considère que la preuve requise pour démontrer une RRA est d’abord d’établir une modification de l’état de santé, soit une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes. Une fois cette première étape franchie, il faut démontrer la relation entre la lésion professionnelle initiale et la RRA alléguée.
Le 6 mars 2018, la travailleuse subit la lésion professionnelle initiale au poignet gauche lors d’une contention d’un bénéficiaire corpulent et agressif ayant nécessité la participation de plusieurs préposés. Lors de l’événement, le bénéficiaire a affiché une attitude agressive et menaçante à l’égard de la travailleuse. Celle-ci relate des difficultés à dormir le soir et des tremblements. Le 12 mars 2019, la travailleuse est déclarée capable de reprendre son emploi puisque la lésion au poignet est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
Le 26 juin 2019, alors qu’elle doit reprendre son travail le lendemain, la travailleuse ressent de l’anxiété, fait des cauchemars et a des crises de panique en raison des images de son agresseur qui lui reviennent sans cesse. Le 27 juin 2019, elle se présente au travail. Au moment d’entrer dans la chambre d’un bénéficiaire, elle commence à pleurer puisqu’elle revit l’incident initial. La travailleuse est incapable de continuer sa journée, se dirige à l’urgence et elle est alors retirée du travail. Au mois d’août 2019, le diagnostic d’état de stress post-traumatique est posé.
Dans un premier temps, le Tribunal est d’avis qu’il y a eu modification de l’état de santé de la travailleuse par la pose du diagnostic d’état de stress post-traumatique. Ensuite, sur la relation avec la lésion professionnelle initiale, le Tribunal retient que cet événement revêt un caractère traumatisant pour la travailleuse alors qu’elle a été agressée physiquement et verbalement par un homme très corpulent lors d’une manœuvre de contention qu’elle n’avait jamais réalisée auparavant et pour laquelle elle n’avait pas reçu de formation. L’ensemble des circonstances militent en faveur de la reconnaissance d’une lésion de cause à effet entre l’agression du 6 mars 2018 et le diagnostic du mois d’août 2019.
Par ailleurs, le Tribunal rappelle que les antécédents psychiques de la travailleuse ne sont pas un obstacle à la reconnaissance de la relation entre l’événement initial et la RRA. Il est démontré que sa condition préexistante semblait stabilisée au point de lui permettre d’exercer son emploi de préposée aux bénéficiaires depuis 2017. Également, la théorie du crâne fragile prévoit que la présence d’une condition préexistante n’est pas un obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle s’il est établi que cette condition a été aggravée ou déstabilisée par un événement inhabituel dans le cadre du travail.
La contestation de la travailleuse est accueillie et le Tribunal déclare qu’elle a subi une rechute, récidive ou aggravation le 27 juin 2019.