Julien et Corporation d'Urgences-Santé, 2024 QCTAT 11
Date de décision: 03/01/2024
Mots-clés: Article 2 LATMP, Article 270 LATMP, Article 271 LATMP, Article 272 LATMP, Article 30 LATMP, Carrière, Décision favorable au travailleur, Événements traumatisants, Juxtaposition, Maladie professionnelle, Microtraumatismes, Paramedic, Singulier, Stress post-traumatique, Tabou, Trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive
Le travailleur occupe l’emploi de paramédic chez l’employeur. Il présente une réclamation afin de se voir reconnaitre une lésion professionnelle à l’issue de différents évènement traumatiques avec comme diagnostics un état de stress post-traumatique et de trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressif.
La CNESST refuse la demande du travailleur. Elle juge que le principal évènement à l’origine de la lésion ne dépasse pas le cadre habituel, prévisible et normal du travail.
Le Tribunal est d’avis que dans la mesure où le travailleur invoque l’entièreté de sa carrière à titre de paramédic aux fins de sa réclamation pour lésion professionnelle, la notion d’accident du travail n’est pas justifiée dans les circonstances. Le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle de l’article 28 LATMP et doit plutôt se tourner vers la définition générale énoncées à l’article 2 de la Loi.
Le Tribunal rappelle que la jurisprudence reconnaît que la juxtaposition de plusieurs événements, en apparence bénins lorsque pris isolément, peuvent présenter le caractère d’imprévisibilité et de soudaineté requis si, considérés dans leur ensemble, ils deviennent significatifs. La nouvelle orientation jurisprudentielle en matière de lésions psychologiques, qui a substitué au critère de l’événement objectivement traumatisant celui de l’événement singulier, ne crée pas de débat contradictoire avec la jurisprudence antérieure. Selon le Tribunal, ces concepts reposent sur des fondements identiques. En effet, le terme singularité renvoie au caractère exceptionnel de quelque chose.
Le Tribunal considère davantage approprié d’examiner la possibilité que le travailleur ait développé une maladie professionnelle considérant l’état des situations que vit ce dernier de manière récurrente dans le cadre de son travail de paramédic.
Le travailleur témoigne d’une multitude d’appels d’urgence au cours de sa carrière dans lesquels il se voit confronté à des réalités bouleversantes. Il explique également qu’il a tardé à consulter et à discuter de son vécu puisque, dans son milieu de travail, tout ce qui est émotif est tabou et admettre une fragilité n’est pas bien vu.
Le Tribunal en vient à la conclusion que le trouble d’adaptation et l’état de stress post-traumatique que le travailleur a développé découlent directement des risques particuliers de son travail puisqu’aucun autre élément ne peut expliquer cette maladie en l’absence d’antécédents quelconques ou d’évènements perturbants de nature personnelle.
La contestation du travailleur est accueillie.