Fermes Sunchef inc et Morena Quintanilla, 2012 QCCLP 1195

Date de décision: 17/02/2012

Mots-clés: Article 142 LATMP, Article 209 LATMP, Article 210 LATMP, Article 211 LATMP, Article 358 LATMP, Article 359 LATMP, Article 369 LATMP, Article 377 LATMP, Article 83 LATMP, Décision favorable à la travailleuse, Déportation, Hernie discale L4-L5, Immigrante, Indemnité pour dommages corporels, Lombosciatalgie droite, Suspension de prestations

Dossier 439708-71-1104

Le 8 avril 2011, l’employeur conteste une décision rendue par la CNESST qui déclare que la travailleuse souffre d’une incapacité de 14,40 % suite à sa lésion, lui donnant droit à une indemnité de 10 720,80 $. La contestation de l’employeur a pour objet de suspendre le versement de l’indemnité pour préjudice corporel jusqu’à ce que la travailleuse se présente à un rendez-vous que l’employeur lui fixera en vue de contester les conclusions du médecin en charge.

Dossier 442735-71-1107

Le 5 juillet 2011, la travailleuse dépose à son tour une requête par laquelle elle conteste une décision de la CNESST qui déclare que le versement de l’IRR doit être suspendu à compter du 17 février 2011. La contestation a pour objet de rétablir le versement de l’IRR.

La travailleuse est une immigrante du Salvador et subit une lombosciatalgie droite ainsi qu’une hernie discale L4-L5 le 14 août 2009. Son permis de travail expire le 12 septembre 2009 et elle mentionne à la CNESST qu’elle a fait la demande de renouvellement. En février 2010, étant donné qu’elle n’a toujours pas reçu le nouveau permis de travail, l’employeur dit qu’il fera une demande de suspension des versements de l’IRR, car il est impossible de lui assigner des tâches légères. L’employeur tente de lui assigner du travail léger en mars 2010, mais l’assignation est interrompue dès la première journée vu qu’elle n’a toujours pas son nouveau permis. La CNESST suspend à ce moment l’IRR de la travailleuse. Le 11 mars 2010, elle se fait prescrire un arrêt de travail.

Vu qu’elle n’a pas reçu son nouveau permis de travail, la travailleuse a jusqu’au 15 novembre 2010 pour quitter le pays. Le 11 novembre 2010, le gouvernement déclare qu’elle peut rester au Canada le temps d’avoir sa chirurgie, prévue pour la mi-décembre 2010. Le 6 décembre 2010, le rapport final du médecin en charge explique que la chirurgie est écartée et que sa lésion est consolidée, mais qu’elle restera avec des limitations fonctionnelles permanentes. Il mentionne également que c’est la travailleuse qui refuse de se faire opérer. La décision du 12 janvier 2011 de la CNESST établit l’atteinte physique permanente de la travailleuse à 14,4 % avec une indemnité de 10 720,80 $.

La travailleuse se fait convoquer à une rencontre en réadaptation le 28 janvier 2011 à laquelle elle ne se présente pas. Une décision de la CNESST datant du 31 janvier 2011 informe la travailleuse que son IRR sera suspendu à compter du 28 janvier 2011 parce qu’elle a omis de se présenter à son rendez-vous. La CNESST apprend par téléphone que la travailleuse a quitté le pays le 27 décembre 2010. Le 2 mars 2011, la CNESST envoie une lettre à la travailleuse mentionnant un délai de 10 jours pour qu’elle communique avec son agent, sinon la CNESST considérera qu’elle se désintéresse de sa demande et son calcul d’intérêt pour son préjudice corporel sera suspendu.

L’argument de l’employeur porte uniquement sur la suspension de l’indemnité pour le préjudice corporel, voulant évaluer les conclusions du médecin qui a émis le rapport sur l’état de santé de la travailleuse. Cependant, l’employeur se sent lésé, car il est dans l’impossibilité de soumettre la travailleuse au test vu qu’elle est hors du pays. Il dit donc que la suspension des paiements est la seule solution envisageable, car les droits de la travailleuse sont protégés si elle retourne au Canada et il est traité de manière équitable.

La travailleuse, de son côté, argue que l’employeur doit demander un partage d’imputation auprès de la CNESST pour les frais liés à sa déportation.

Les motifs de la décision

Dossier 439708-71-1104 : La CLP doit déterminer si elle a le pouvoir de suspendre les indemnités pour le préjudice corporel de la travailleuse. L’article 83 LATMP traite des travailleurs qui subissent une atteinte permanente à leur intégrité physique ou psychique et l’article 142 LATMP mentionne que la CLP peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité si le travailleur ne se présente pas, sans raison valable, à une expertise demandée par son employeur. Dans le cas en l’espèce, l’employeur demande de ne pas verser l’indemnité pour préjudice corporel. Les articles 209 à 211 LATMP réglementent le droit de l’employeur de faire une demande d’expertise afin d’évaluer les rapports du médecin en charge du travailleur.

L’employeur considère que la décision de la CNESST établissant son incapacité à 14,4 % est mal fondée en droit. L’article 369 LATMP détermine les articles sur lesquels la CLP peut statuer. L’article 377 de la LATMP, quant à lui, donne à la CLP le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence. Cependant, vu qu’aucune demande n’a été formulée de la part de l’employeur auprès de la CNESST sur le sujet en litige, le Tribunal juge qu’il est inopportun d’utiliser les pouvoirs qui lui sont alloués en vertu de l’article 377 de la LATMP. De plus, en vertu de l’article 359 LATMP, les pouvoirs du tribunal ne peuvent être exercés qu’à l’intérieur du cadre délimité par la décision rendue par la CNESST. Vu que la demande de l’employeur n’a jamais été traitée par la CNESST, la situation se retrouve en dehors de la portée de leurs pouvoirs. Le 15 février 2011, l’employeur demande de suspendre les « prestations » versées à la travailleuse, mais il ne précise pas quelles prestations. La CNESST l’informe que seul le paiement de l’IRR est interrompu et l’employeur ne manifeste aucun désaccord : il ne peut donc pas invoquer que son utilisation de « prestations » dans sa requête du 15 février 2011 faisait référence à l’indemnité de préjudice corporel.

Le Tribunal conclut que la révision administrative du 24 mars 2011 de la CNESST doit être confirmée, car il n’y a aucun élément de preuve soumis par l’employeur qui appuie sa requête.

Dossier 442735-71-1107 : L’objet est de déterminer si la CNESST était justifiée de suspendre le versement de l’IRR à la travailleuse.

Selon le libellé de l’article 142 LATMP, la CNESST peut suspendre le paiement d’une indemnité si la travailleuse omet de se soumettre à un des examens médicaux prévus par la loi. La condition essentielle est que la travailleuse ne doit pas avoir de raison valable pour rater l’examen. Or, la raison en l’espèce de la travailleuse est valable, car au moment où l’employeur convoque la travailleuse à l’examen, elle a été expulsée du Canada. Son absence était donc involontaire et elle a collaboré avec la CNESST tout au long de son dossier. Le Tribunal juge donc que, par la prépondérance des probabilités, elle se serait présentée à l’examen si elle n’avait pas été déportée. Sa situation a été comparée avec celle d’un travailleur qui avait été incarcéré dont le centre de détention l’a empêché de se présenter à son rendez-vous.

Le Tribunal conclut donc que la CNESST ne pouvait suspendre le versement des prestations en raison de l’absence de la travailleuse au rendez-vous médical fixé par l’employeur.  

Télécharger le document

Résultats connexes

9305-1511 Québec inc. et Gadbois, 2024 QCTAT 250

Date de décision: 23/01/2024

Mots-clés: Article 25 LATMP, Article 27 LATMP, Chute, Contusion à la fesse, Décision défavorable à l'employeur, Décision favorable au travailleur, Fracture du radius distal, Interprétation restrictive, Journalier, Négligence grossière et volontaire, Non respect des consignes de sécurité, Régime sans égard à la faute, Témérité

Bernier et CISSS du Bas-St-Laurent , 2021 QCTAT 1598

Date de décision: 29/03/2021

Mots-clés: Article 30 LATMP, Contact étroit avec des patients, Décision favorable à la travailleuse, Inhalothérapeute, Maladie reliée aux risques particuliers du travail, Travail en milieu hospitalier, Virus respiratoire syncytial

Leduc et Anciens Combattants Canada, 2022 QCTAT 4960

Date de décision: 01/11/2022

Mots-clés: À l'occasion du travail, Article 2 LATMP, Atterrissage, Avion, Barotraumatisme, Commissaire, Condition personnelle, Décision favorable à la travailleuse, Douleur aiguë, Événement imprévu et soudain, Oreilles, Otites sévères, Pression atmosphérique, Sphère professionnelle, Tympans