Larouche et Club Golf et Ski de fond Piedmont, 2021 QCTAT 1478
Date de décision: 22/03/2021
Mots-clés: Article 67 LATMP, Article 75 LATMP, Article 76 LATMP, Connaissance d'office, Contusion cuisse gauche, Décision favorable à la travailleuse, Fracture de l’humérus proximal gauche, Golf, Incapacité partielle permanente, Salaire minimum assurable, Serveuse
La travailleuse est serveuse et subi une fracture de l’humérus proximal gauche et une contusion à la cuisse gauche en tombant dans les escaliers. Subissant une incapacité permanente de 21,60 %, elle n’est plus capable d’exercer son métier de serveuse et la CNESST établit son revenu en vertu du salaire minimum en vigueur, soit 27 089,34 $. La travailleuse dépose une contestation au TAT et demande l’application de l’article 76 LATMP à sa situation pour majorer son revenu.
Le TAT explique les conditions d’application de l’article 76 de la LATMP: La travailleuse doit démontrer qu’elle est incapable, en raison de sa lésion professionnelle, d’exercer son emploi pendant deux ans, et elle doit démontrer qu’elle aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque sa lésion s’est manifestée le 17 juin 2015. En l’espèce, la travailleuse n’a pas repris son emploi entre juin 2015 et juin 2017.
Il y a deux sous-conditions à la deuxième condition de l’application de l’article 76 de la LATMP : il faut la présence de circonstances particulières et la preuve d’un emploi plus rémunérateur.
La définition jurisprudentielle d’une circonstance particulière est la suivante : une circonstance étrangère à la lésion professionnelle existant au moment de la manifestation de la lésion professionnelle. La situation doit être existante ou en voie de se concrétiser et non hypothétique. La travailleuse est embauchée chez l’employeur pour un contrat à durée déterminée, soit la saison de golf, et elle débute son emploi le 30 avril 2015.
La décision cite plusieurs exemples de circonstances particulières acceptées par la jurisprudence afin de déterminer si c’est le cas de la travailleuse ou non. Le parallèle établi entre ces décisions et le cas en l’espèce est que l’achalandage réduit en début de saison constitue un manque de « matière première » (circonstance particulière acceptée en jurisprudence), soit la clientèle. La CNESST explique qu’elle a déterminé le revenu brut de la travailleuse en fonction des talons de paie fournis par l’employeur. Les pourboires sur ces talons sont calculés en fonction d’un pourcentage des ventes qui dépendent de l’achalandage. De plus, la travailleuse planifiait continuer de travailler comme serveuse après la fin de la saison de golf, ce qui l’a menée à accepter des contrats de travail au Labrador et à la Baie James, mais son employeur perd le contrat de la Baie James.
La preuve décrite ci-dessus mène le Tribunal à décider que la circonstance particulière de la travailleuse se définit comme la perte de son emploi à la Baie James ajoutée à un achalandage non représentatif au nouvel emploi occupé lors de son accident. Le fait qu’elle n’a pas pu travailler durant la période la plus achalandée de la saison et que son employeur a perdu son contrat de la Baie James constitue une circonstance particulière pour le TAT.
Le TAT dit qu’il est connu d’office que les terrains de golf sont plus populaires durant les mois de juillet, août et septembre que mai et juin, et que l’expectative d’un meilleur salaire pour la travailleuse dépend de « l’achalandage ». Le Tribunal continue en disant que la présence d’un poste mieux rémunéré est une preuve suffisante d’un emploi plus rémunérateur n’eût été sa lésion (les circonstances particulières).
Le Tribunal conclut que l’article 76 de la LATMP s’applique à la travailleuse.
Le TAT utilise l’article 75 de la LATMP pour calculer le revenu brut de la travailleuse. Il existe deux courants jurisprudentiels sur l’application de l’article 75 LATMP : soit l’article 75 LATMP est une disposition résiduaire en cas où aucun autre article ne s’applique à la situation, soit il est possible de recourir à l’article 75 même si les articles 67 à 74 LATMP s’appliquent à la situation, si ce dernier peut produire un résultat plus juste. Le Tribunal opte pour la deuxième interprétation et détermine le revenu brut de la travailleuse en prenant une moyenne des trois dernières années de travail de la travailleuse, excluant 2013 et 2014 (de 2010 à 2012 inclusivement). Le Tribunal exclut les années 2013 et 2014, car elles ne sont pas représentatives de la réalité de l’employée en tant que serveuse.
D’après cette moyenne, le Tribunal établit le revenu brut de la travailleuse pour son IRR à 38 358,25 $ pour l’année 2015. La contestation de la travailleuse est donc accueillie.