Whissell c. Tribunal administratif du travail du Québec, 2022 QCCS 1113
Date de décision: 04/04/2022
Mots-clés: Accident de voiture, Article 1 LATMP, Article 270 LATMP, Cour supérieure, Décision favorable à la travailleuse, Dérobade du genou, Interprétation large et libérale, Législation sociale, Motifs raisonnables, Norme de contrôle, Réclamation hors délai, SAAQ, Vice de fond
La travailleuse demande l’annulation de décisions du TAT qui refuse de la relever de son défaut d’avoir soumis sa réclamation dans le délai requis. Ce délai de 6 ans découle du fait qu’elle a présenté sa demande d’indemnisation à la SAAQ, ses médecins étant d’avis que son préjudice découlait d’une condition attribuable à un accident de la route survenu deux ans auparavant.
Le TAT estime essentiellement qu’elle n’a pas fait la preuve d’un motif raisonnable pour expliquer son retard à présenter une demande. La révision interne (TAT-2) est aussi refusée puisqu’aucun vice de fond n’est identifié.
Le présent Tribunal conclut que TAT-1 est déraisonnable.
Le Tribunal souligne que la Cour d’appel précisait en 2017 dans l’arrêt Boissonneault c. Marquis Laflamme inc. que le pouvoir de relever un demandeur de son défaut d’avoir soumis sa demande pour un motif raisonnable est discrétionnaire et qu’il doit être exercé de manière à protéger les droits du justiciable.
La décision TAT-1 ne tient pas compte de contraintes juridiques et factuelles déterminantes, à savoir : l’objet de la loi et l’impact de la décision sur la demanderesse qui se voit totalement privée de toute indemnisation pour une blessure reconnue, alors que deux organismes étatiques, mis en place pour l’indemniser et protéger ses droits, échappent à leur responsabilité. Cette issue ne peut se justifier dans le contexte d’une législation sociale qui doit être appliquée et interprétée de manière à favoriser la réalisation de son objet, soit la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entrainent.
L’omission de considérer les éléments prépondérants identifiés plus haut constitue un vice de fond de nature à invalider la décision, et non une simple question d’appréciation et de qualification de la preuve ou de divergence quant à l’issue des conclusions possibles.
Le pourvoi en contrôle judiciaire de la travailleuse est accueilli.