Paccar Canada (Usine de Ste-Thérèse) et Leblanc, 2023 QCTAT 3989
Date de décision: 31/08/2023
Mots-clés: Article 224.1 LATMP, Assembleur, Bureau d'évaluation médicale, Décision défavorable à la travailleuse, Délai raisonnable, Opinion du professionnel de la santé qui a charge, Pénurie, Prédominance de l'opinion du professionnel de la santé qui a charge, Procédure d'évaluation médicale, Professionnel désigné, Psychiatres
La travailleuse a subi une lésion professionnelle. Le 4 juin 2021, compte tenu du désaccord qui subsistait entre le professionnel de la santé qui a charge et le professionnel désigné par l’employeur, la CNESST a transmis le dossier au BEM afin d’obtenir l’avis d’un membre, et plus particulièrement d’un psychiatre, en ce qui concerne notamment le diagnostic et les soins. Le 7 juillet 2021, aucun avis du BEM n’ayant été reçu, l’employeur a demandé à la CNESST qu’elle désigne un professionnel de la santé afin qu’il puisse donner son opinion médicale, qui a refusé cette demande.
Le BEM tarde en l’espèce à désigner un membre capable d’évaluer la travailleuse en raison d’un manque de psychiatres. La CNESST refuse quant à elle d’utiliser le pouvoir que lui confère l’alinéa 3 de l’article 224.1 de la LATMP car, selon elle, cette disposition ne vise pas un tel cas de figure. Elle explique que le délai de 30 jours prévu à l’article 222 LATMP commence à courir une fois que le BEM désigne le membre et qu’il lui transmet le dossier afin qu’il puisse évaluer le travailleur ou la travailleuse.
La CNESST insiste sur l’emploi du terme «peut» à l’alinéa 3 de l’article 224.1 LATMP et fait valoir qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire. Il est vrai que le terme «peut» correspond à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, mais les tribunaux supérieurs rappellent que celui-ci ne doit jamais s’exercer de façon arbitraire, injuste ou déraisonnable.
Le Tribunal ne partage pas le courant jurisprudentiel selon lequel, en l’absence d’un avis rendu par le BEM à cause du manque de professionnels de la santé spécialisés dans un domaine, la règle à retenir est la prédominance de l’opinion du professionnel de la santé qui a charge, l’application de l’article 224.1 LATMP constituant l’exception. Compte tenu de l’objectif de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, du libellé du chapitre VI, de la nécessité que la procédure d’évaluation médicale s’effectue avec célérité et efficacité ainsi que du contexte actuel, qui se caractérise par le fait que le BEM n’est plus en mesure de désigner parmi ses membres un psychiatre dans un délai raisonnable, le silence de la loi et son application littérale entraînent un résultat incohérent, c’est-à-dire que la procédure d’évaluation médicale ne peut aboutir.
Le TAT ordonne à la CNESST, dans les 45 jours suivant la réception de la présente décision, de désigner et mandater un professionnel de la santé relativement aux sujets médicaux appropriés en lien avec la lésion psychologique. Lorsqu’elle recevra le rapport de ce spécialiste, elle rendra une décision en conséquence de celui-ci.