Chaput c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal, [1992] RJQ QCCA 1774
Date de décision: 02/07/1992
Mots-clés: Chauffeur d'autobus, Cour d'appel, Décision favorable au travailleur, Entorse lombaire, Événement imprévu et soudain, LATMP, Lésion professionnelle, Présomption de l'article 28
LATMP – Notion de lésion professionnelle – Événement imprévu et soudain – Présomption de l’article 28
Extrait des motifs du juge Bisson
Nous en sommes donc à la lésion professionnelle et à l’accident du travail.
Saisie d’un appel, la C.A.L.P. devra d’abord se demander s’il s’agit d’une blessure ou d’une maladie puisqu’à la base de l’accident du travail il doit y avoir une lésion professionnelle et que, comme nous l’avons vu plus haut, la définition de la lésion professionnelle parle d’«une blessure ou d’une maladie».
Voyons donc le processus qui sera suivi:
a) Ou bien il n’est pas contesté qu’il s’agit d’une blessure ou d’une maladie ou bien cet élément doit faire l’objet d’une détermination.
La C.A.L.P. devra alors, par application de notions générales et en s’appuyant sur la preuve, déterminer s’il s’agit d’une blessure ou d’une maladie.
C’est à partir du diagnostic fait par le médecin ayant charge du travailleur qu’est établi le premier élément constitutif de la lésion professionnelle, soit la blessure ou la maladie dont est atteint le travailleur. À moins d’une contestation suivant la procédure d’arbitrage médical, la C.S.S.T. est liée par ce diagnostic et l’employeur n’est plus en droit de le contester, ceci conformément aux articles 199 , 212 et 224 L.A.T.M.P..;
b) Dans l’élaboration de ce processus, ou bien il est clair qu’il s’agit d’une lésion professionnelle ou bien la chose doit faire l’objet d’une détermination;
c) Dans ce dernier cas la C.A.L.P. aura recours à l’article 28 de la Loi:
- Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.;
d) Pour voir si la présomption s’applique il faut trouver la présence de trois éléments:
(i)le travailleur doit avoir subi une blessure;
(ii) la blessure doit arriver sur les lieux du travail;
(iii) le travailleur doit être à son travail;
e) Ces trois éléments doivent être établis par une preuve prépondérante et évidemment la présomption pourra être repoussée par une preuve contraire;
f) Ou bien la présomption ne sera pas renversée ou bien elle sera repoussée par une preuve prépondérante contraire.
Pour déterminer les conséquences de l’une ou l’autre des branches de cette alternative, un retour aux définitions pertinentes s’impose.
SECTION II INTERPRÉTATION
Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:
«accident du travail»: un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
«lésion professionnelle»: une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l’aggravation;
Dans la première branche de l’alternative de f) il y aura par le fait même existence d’une «lésion professionnelle».
Dans ce cas, la preuve d’un événement imprévu et soudain ne sera pas nécessaire car de l’existence même de la «lésion professionnelle», il en découlera qu’on est en présence d’une blessure ou d’une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail; en effet c’est la définition même de la «lésion professionnelle».
Dans le second cas – de même que dans le cas où la présomption n’a pas sa place – il incombera au salarié d’établir qu’il a bien été victime d’une lésion professionnelle en établissant que sa blessure est survenue par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail, ce qui impliquera la nécessaire preuve de l’«événement imprévu et soudain» de même que celle des autres éléments de la définition d’«accident du travail».
g)Dernier élément du processus, l’événement imprévu et soudain.
La détermination de la survenance d’un événement imprévu et soudain est essentiellement une question de faits dont la preuve peut être administrée par tous les moyens légaux y compris celui des présomptions.
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Même si d’aucuns peuvent considérer que la décision de la C.A.L.P. fut erronée et à la limite du raisonnable, j’estime que le fait de considérer la chute du crayon et le mouvement de l’appelant en se penchant pour le ramasser sur le plancher de l’autobus comme un événement imprévu et soudain entraînant une lésion professionnelle n’est pas manifestement déraisonnable.
Par ailleurs, que l’appelant ait eu certaines prédispositions physiques pouvant favoriser l’entorse lombaire alors subie, n’est pas, en l’espèce, un élément qui puisse conduire à la négation de la survenance d’une lésion professionnelle par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail.
À moins de circonstances particulières, il faut prendre la personne humaine comme elle est, avec son âge, avec ses faiblesses, avec ses vicissitudes.
Autrement, il faudrait juger suivant une norme de la personne en parfaite santé et condition physique, ce qui ne correspondrait sûrement pas aux objectifs de la Loi.
* Cette décision figure sur la Liste de jurisprudence publiée par le TAT.