Tainguy et Institut universitaire en santé mentale de Montréal, 2025 QCTAT 3340
Date de décision: 08/08/2025
Mots-clés: À l'occasion du travail, Article 2 LATMP, Caractère social de la loi, Choc post traumatique, Décision favorable à la travailleuse, Ergothérapeute en santé mentale, Interprétation large et libérale, SCFP, Situation traumatisante, Sphère professionnelle, Triple homicide
La travailleuse occupe un poste d’ergothérapeute en santé mentale. Le 17 mars 2023, elle a été informée des détails entourant un grave événement survenu le jour même et impliquant l’un des usagers qu’elle suivait dans le cadre de son emploi. Cet usager a poignardé 3 membres de sa famille qu’elle connaissait très bien. Elle a aussi assisté à certains moments filmés de la scène et au récit complet du drame puisqu’il a été largement rapporté par les médias. La travailleuse a produit une réclamation pour un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique (SSPT). La CNESST a refusé sa réclamation.
Pour le tribunal, il ne fait aucun doute qu’un triple homicide impliquant un usager et sa famille, alors que ceux-ci sont suivis régulièrement par une intervenante en milieu de santé mentale, constitue un événement imprévu et soudain. La particularité dans le présent cas réside dans le fait que la travailleuse n’était pas présente lors de la survenance du drame. Cependant, dans les heures ayant suivi le drame, elle a été interpellée par son employeur sur son téléphone portable de travail afin qu’elle se présente rapidement au travail pour aider son équipe à la gestion de cette crise. À cela s’ajoute que l’événement a fortement été médiatisé le jour même et qu’elle a visionné les images troublantes de l’arrestation de l’usager, alors qu’il venait tout juste de commettre l’irréparable. Il s’agit d’une situation objectivement traumatisante.
Bien que la travailleuse n’ait pas été sur les lieux lors de l’homicide, les événements survenus dans les jours ayant précédé et suivi le drame en question, alors qu’elle était à son travail, font en sorte que la trame factuelle dans son ensemble est survenue «à l’occasion du travail». Comme l’a rappelé la Cour d’appel, la LATMP est une loi d’ordre public possédant un «caractère éminemment social». Il faut donc favoriser une interprétation «large et libérale» de cette mesure législative dans le but d’indemniser les travailleuses victimes de lésions professionnelles. La règle de droit doit suivre une évolution fluide au fil du temps, en fonction de la réalité à laquelle font de plus en plus face des travailleuses et travailleurs.
Quant à la relation causale, en raison du lien thérapeutique développé par la travailleuse envers tant cet usager que ses parents, combiné au fait que les événements se sont déroulés dans un court laps de temps suivant la dernière intervention de la travailleuse auprès de cette famille, il est manifeste que c’est ce triste et douloureux incident, pris dans son ensemble, qui a entraîné la première consultation médicale de la travailleuse et, par le fait même, a engendré un arrêt du travail. Il existe de façon probante un lien causal entre le diagnostic posé et les événements vécus par la travailleuse. Par conséquent, la travailleuse a subi une lésion professionnelle, sa contestation est accueillie.