Kouyate c. Prana Biovégétaliens inc., 2025 QCTAT 2186
Date de décision: 30/05/2025
Mots-clés: Agences de placement, Agression sexuelle, Article 123.6 LNT, Conduite vexatoire, Congédiement, Décision favorable à la travailleuse, Harcèlement psychologique, Journalière, Lien d'autorité, Milieu néfaste, Vice de consentement, Violence à caractère sexuel
La travailleuse est nouvellement arrivé au pays, elle a immigré seule et est titulaire d’un permis de travail temporaire. Elle est à la recherche de son premier emploi et elle a peu de ressources lors de son arrivée au Canada. Elle est est recrutée par l’employeur auprès d’une agence de placement de personnel. Elle a occupé des postes de journalière et de préposée à la « sanitation »chez l’employeur, une entreprise alimentaire. Elle dépose une plainte en vertu de l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail pour harcèlement psychologique car elle allègue avoir été victime de violence à caractère sexuel de la part de son superviseur dès son entrée en fonction. Elle soutient également avoir fait l’objet de harcèlement psychologique de la part de certains membres de la direction entre la date de son accident du travail et son congédiement.
Le Tribunal souligne d’abord que la demanderesse s’est représentée seule et n’a pu bénéficier de l’accompagnement d’un procureur dans le contexte d’un témoignage douloureux et difficile à rendre. Comme elle l’a souligné, il est difficile, plus de 4 ans après les événements, de se souvenir de détails temporels. Quant à la séquence exacte des événements, elle a raconté ceux-ci en détail de façon constante et cohérente à plusieurs reprises considérant le nombre et la fréquence des événements traumatiques vécus, soit 2 ou 3 fois par semaine pendant quelques mois, on ne saurait discréditer son témoignage pour des détails de cette nature.
De la preuve entendue, le Tribunal retient qu’en plus de rendre responsable la travailleuse des gestes commis par son agresseur, qui était en situation d’autorité par rapport à elle, l’employeur reproche notamment à cette dernière de ne pas avoir cherché un nouvel emploi. Cet argument relève de mythes et de stéréotypes que la jurisprudence en matière de violence sexuelle commande d’éviter. Par ailleurs, le lien d’emploi de la demanderesse était fragile et le superviseur a profité de la situation en la menaçant de lui faire perdre son unique ressource financière, soit son premier emploi au Canada. Une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances que l’était la travailleuse aurait pu agir de la même façon.
Quant à la nature non désirée des gestes, la travailleuse a refusé de façon claire et explicite, dès la première occasion, tout rapprochement avec le superviseur et toute avance de sa part. Or, même si cela n’avait pas été le cas, son consentement aurait été vicié par le lien d’autorité et les menaces proférées par le superviseur. Les violences à caractère sexuel vécues par la travailleuse sous la menace de son supérieur immédiat constituent une conduite vexatoire, et vu la gravité intrinsèque de ce qu’elle a vécu dans son milieu de travail, il s’agit d’une atteinte grave à son intégrité physique et psychologique ainsi qu’à sa dignité. La honte qu’elle dit ressentir est suffisante sur ce plan, cette situation a également entraîné un milieu de travail néfaste. La demanderesse a donc démontré avoir été victime de harcèlement psychologique.
En ce qui a trait au harcèlement psychologique dont la demanderesse a été victime, l’employeur n’a pas pris les moyens raisonnables pour prévenir celui-ci et le faire cesser. Bien qu’une politique existe à cet égard, le directeur des ressources humaines et la conseillère ont fermé les yeux sur les allégations et ont négligé d’intervenir adéquatement, se contentant de la version du superviseur selon laquelle il ne savait pas de quoi il s’agissait lorsque la demanderesse a invoqué une situation hors du commun impliquant ce dernier. De plus, la conduite vexatoire était le fait d’une personne ayant un lien d’autorité par rapport à la travailleuse. Cet élément, combiné aux menaces dont celle-ci a fait l’objet, suffisent pour conclure que l’on ne peut lui reprocher d’avoir dénoncé les gestes dont elle était victime sans préciser qu’il s’agissait de harcèlement psychologique.
La plainte pour harcèlement psychologique est accueillie.