Labranche et Entreprises Jacques Dufour et Fils inc., 2022 QCTAT 4717
Date de décision: 20/10/2022
Mots-clés: Alerte aux décibels, Article 29 LATMP, Bruit excessif, Charpentier-menuisirer, Décision favorable au travailleur, Effet rétroactif, Étude IRSST, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, Manoeuvre spécialisé, Portée rétroactive, Présomption de maladie professionnelle, Preuve d'exposition au bruit, Surdité professionnelle
Le travailleur réclame à la CNESST pour une surdité d’origine professionnelle en raison de l’exposition à un environnement constamment bruyant dans lequel il a travaillé en tant que manœuvre spécialisé sur le pavage des routes et charpentier menuisier de 1997 à 2017. L’attestation médicale utilisée pour appuyer sa réclamation est datée du 27 septembre 2017. Or, aux fins de son analyse, le Tribunal se questionne à savoir si les modifications apportées par la LMRSST en ce qui concerne les atteintes auditives, entrées en vigueur le 6 octobre 2021, s’appliquent à la réclamation du travailleur qui est postérieure aux changements législatifs.
Malgré le silence du législateur, le Tribunal est d’avis qu’afin d’assurer un traitement uniforme des litiges qui lui sont soumis et de garantir une analyse en toute impartialité et équité, il doit tracer une ligne au 6 octobre 2021 en prenant en compte la date de l’attestation médicale et de la réclamation du travailleur. Ainsi, le seul fait que l’audience d’un dossier se déroule après cette date ne donne pas un effet rétroactif aux nouvelles dispositions législatives.
Le Tribunal, dans la présente affaire, s’écarte de la conclusion retenue dans l’affaire Tadros et privilégie la règle générale selon laquelle les lois ne peuvent avoir une portée rétroactive. Dans les cas d’atteintes auditives, le législateur ne le décrète pas expressément et comment l’interpréter implicitement? Le texte du nouvel article 29 de la Loi est clair lorsqu’il prévoit que la date à laquelle le travailleur reçoit un diagnostic de maladie est déterminante. Or, la surdité est un diagnostic de maladie et elle doit faire l’objet d’une analyse au même titre que toutes les autres.
Pour le Tribunal, faire rétroagir la LMRSST à des cas de surdité professionnelle dont la réclamation et l’attestation médicale sur laquelle elle s’appuie sont antérieures au 6 octobre 2021, sans que le législateur l’ait spécifiquement prévu, et ce, du seul fait que l’audience qui se déroule devant le Tribunal soit postérieure au 6 octobre 2021, implique, en apparence, un traitement différent des cas entendus avant le 6 octobre 2021 alors que les réclamations pouvaient également dater de septembre 2020, comme la réclamation analysée dans l’affaire Tadros.
Néanmoins, en vertu du régime applicable avant le 6 octobre 2021, le Tribunal conclut que le travailleur bénéficie de la présomption de maladie professionnelle parce qu’il a subi une atteinte auditive causée par le bruit et l’exercice de son travail l’exposait à un bruit excessif.
La contestation du travailleur est accueillie.