Aubin-Beaulieu et Pilier Jeunesse, 2021 QCTAT 1136
Date de décision: 03/03/2021
Mots-clés: Accident de travail, Article 2 LATMP, Décision favorable à la travailleuse, Lésion psychologique, Pression du travail, Succession d'événements cumulés, Surcharge de travail, Travailleuse de rue, Trouble de l'adaptation
La travailleuse exerce le métier de travailleuse sociale de rue depuis 2011. Après des coupures de postes et d’ajout de tâches entre 2014 et 2018, elle commence à sentir les effets de la surcharge de travail et avise à plusieurs reprises le CA de la situation, mais rien ne change. Tous reconnaissent, soit l’employeur, la Commission et la travailleuse qu’il s’agit d’un emploi qui est extrêmement exigeant et difficile sur le plan personnel et psychologique.
En avril 2014, la travailleuse se voit offrir le poste de coordonnatrice des travailleurs de rue. Elle doit gérer l’équipe de travail et voir l’administration générale du département. Dans les faits toutefois la travailleuse conserve également son poste de travailleuse de rue. Elle cumule donc deux fonctions pour une même durée de travail, soit environ 35 heures par semaine.
Le directeur confie à la travailleuse le travail de rue qui est assigné à d’un employé qui part en congé sans solde. Dans les faits, elle se retrouve à effectuer son travail de coordination et le travail de deux travailleurs de rue et demi. C’est le point de rupture et la travailleuse est incapable d’assumer plus longtemps tous ces rôles.
Complètement épuisée, elle consulte un médecin le 1er novembre 2018 et ce dernier émet un diagnostic de trouble de l’adaptation avec humeur mixte. La réclamation est refusée par la CNESST.
La jurisprudence rappelle que des événements bénins ou banals, considérés isolément, peuvent devenir significatifs et présenter, par leur cumul, leur superposition ou leur juxtaposition, le caractère imprévu et soudain requis par la Loi . Cette série d’événements doit s’apprécier par rapport au cadre normal et habituel du travail . Ainsi, les faits en cause doivent se démarquer de ce qui est normal dans le cadre du travail pour que le Tribunal soit en présence d’un « événement imprévu et soudain » au sens de la Loi
Pour le Tribunal, la preuve prépondérante permet d’établir que l’effet cumulatif de l’ensemble de ces éléments factuels confirme que la travailleuse a subi une lésion professionnelle reliée à l’exercice de son travail pour son employeur. Il s’agit d’un accident du travail.
Rien ne démontre dans la preuve que la travailleuse présente une condition personnelle pouvant expliquer à elle seule sa condition psychologique. La réclamation de la travailleuse est donc accueillie.