Scanlan et Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, 2024 QCTAT 672
Date de décision: 23/02/2024
Mots-clés: Article 2 LATMP, Article 224 LATMP, Article 272 LATMP, Directeur général, Épuisement professionnel, Infirmière praticienne spécialisée, IPS, Loi sur l'assurance maladie, Loi sur les infirmières et infirmiers, Professionnel de la santé, Psychiatre, Réclamation hors délai, Syndrome de choc post-traumatique
Le travailleur occupe le poste de directeur général au sein de la Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac lorsqu’une digue protégeant contre la crue printanière cède de manière soudaine. L’inondation immédiate engloutit 2500 propriétés en moins de 45 minutes. La ville tombe en état d’urgence. Durant les heures, jours, mois et trois années qui suivent, le travailleur tente de gérer la crise et ses impacts multiples, puisqu’il est le responsable désigné. Il indique travailler tous les jours sans arrêt, d’autant qu’une majorité d’employés de la ville ont quitté leur poste en raison d’un arrêt maladie.
En février 2022, à la suite d’un épisode de Covid-19, le travailleur réalise qu’il est complètement épuisé, qu’il n’est plus fonctionnel. Il consulte alors une infirmière praticienne spécialisée (IPS) qui émet un certificat d’arrêt de travail à compter du 18 février 2022. Le travailleur croit alors vivre un épuisement professionnel.
Au terme de diverses consultations en psychologie, le travailleur apprend en septembre 2022 qu’il éprouve plutôt les symptômes d’un syndrome de stress post‑traumatique en lien avec les événements vécus. Il présente donc une réclamation pour reconnaissance d’une lésion professionnelle le 12 septembre 2022.
Ce diagnostic est posé en novembre 2022 par l’IPS et par une psychiatre en avril 2023.
La CNESST refuse la demande du travailleur au motif que la réclamation a été présentée en dehors du délai prévu à la LATMP et elle ajoute qu’aucun diagnostic n’a été posé par un professionnel de la santé reconnu dans la Loi.
Le travailleur est en désaccord avec cette décision. Il soumet que sa réclamation pour maladie professionnelle a été présentée dans le délai imparti ou, à tout le moins, qu’il dispose d’un motif raisonnable pour être relevé de son défaut. Il signale également qu’un diagnostic de maladie a été valablement posé par un médecin, diagnostic qui avalisait les opinions des professionnels consultés antérieurement.
La question qui se pose dans ce dossier est la suivante: Une infirmière praticienne spécialisée peut-elle porter un diagnostic de syndrome de stress post traumatique?
Le Tribunal souligne que depuis 2020, une IPS peut diagnostiquer des maladies, prescrire des traitements et des médicaments. Le 22 novembre 2022, le diagnostic de syndrome de stress post-traumatique est posé par l’IPS et est confirmé en avril 2023 par un psychiatre. C’est en août 2023 que les IPS, par une modification législative à la LATMP, sont reconnues à titre de ‘Professionnel de la santé qui a charge ».
Le Tribunal est d’avis qu’il ne peut faire porter au travailleur un fardeau procédural excessif, d’autant que lorsqu’il consulte l’IPS à compter de février 2022, il ne recherche pas la reconnaissance d’une maladie professionnelle. Il croit simplement vivre un profond épuisement et aspire à des soins pour lui permettre de se relever. L’IPS étant qualifiée lors des premières consultations afin d’émettre des diagnostics et établir des plans de traitements, le travailleur ne dispose d’aucune raison à ce moment de chercher un autre type de professionnel. Il importe de souligner que le travailleur n’a pas de médecin de famille et qu’il n’est pas aisé dans le réseau de la santé actuel d’obtenir un suivi en santé mentale.
En conclusion, le Tribunal déclare recevable la réclamation du travailleur, juge possible de conclure à l’existence d’un diagnostic légalement posé dès septembre 2022 et que la réclamation a été soumise dans le délai de six mois prévu à la Loi.