Savoie et Centre de services scolaire des Patriotes, 2024 QCTAT 301
Date de décision: 25/01/2024
Mots-clés: Agression, Article 2 LATMP, Cadre habituel et normal du travail, Décision favorable à la travailleuse, Enseignante, Événement traumatisant, Fragilité, Geste prémédité, Livre, Notion d'accident de travail, Objectivement, Peur, Trouble de l'adaptation et dépression
La travailleuse, une enseignante en adaptation scolaire dans une école secondaire, a produit une réclamation pour des diagnostics de trouble de l’adaptation et de dépression qu’elle attribuait au comportement du père d’une élève. La CNESST a refusé sa réclamation.
Un incident est survenu entre 2 adolescents de sa classe. Selon ce qui a été entendu à l’audience, un élève aurait agité, sous les yeux d’une autre élève et devant son visage, un signet sur lequel était suspendu un objet. Dans les jours suivants, le père de cette dernière s’est présenté à l’école mécontent et a demandé des explications concernant la situation. Selon la description de sa fille, celle-ci aurait été frappée sur le nez avec un livre. La directrice adjointe a rencontré le père et a fait un suivi.
Le jour de l’événement, une rencontre avec le père, plusieurs intervenants de l’école et la travailleuse était prévue afin de présenter le plan d’intervention visant la fille de celui-ci. À la fin de la rencontre, le père a demandé à la travailleuse de lui parler. Elle est demeurée seule avec lui alors que les autres personnes avaient quitté la pièce. À ce moment, le père a sorti un livre qu’il avait dissimulé sous ses vêtements, qui était assez épais, et a dit à la travailleuse qu’il allait lui faire subir le même sort que celui subi par sa fille. Il a alors frappé violemment la table qui se trouvait devant la travailleuse avec le livre. Les propos étaient violents et agressifs. Le bruit causé par la scène était suffisamment important pour que la directrice adjointe revienne sur place afin de voir ce qui se passait.
Le geste commis par le père était prémédité. C’est ce dernier qui a amené et a dissimulé le livre pour s’en servir le temps venu. La travailleuse ne pouvait prévoir ce qui allait se passer lors de cette rencontre. La façon dont le père s’est adressé à elle et le fait qu’il a frappé avec force la table avaient forcément pour objectif de créer un sentiment de peur chez la travailleuse. Elle ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce genre de situation, qui ne fait pas partie du cadre habituel de son travail. L’événement revêt un caractère objectivement traumatisant d’un point de vue objectif. La survenance d’un événement imprévu et soudain a donc été démontrée.
Quant à la relation causale, il y a lieu de retenir l’opinion du psychiatre lorsqu’il affirme que l’événement est en soi suffisant pour causer un trouble de l’adaptation et une dépression. Le Tribunal ne peut toutefois passer sous silence la fragilité de la travailleuse, qui a également contribué à la situation. En effet, cette dernière prenait des médicaments avant l’événement en lien avec les symptômes d’un trouble de l’adaptation. Elle a aussi souffert de 2 épisodes anxio-dépressifs par le passé. Elle venait à peine de se remettre d’un trouble de l’adaptation quelques semaines avant la survenance de l’événement. Celui-ci a fait ressurgir cette fragilité et a eu pour effet de rendre de nouveau symptomatique et d’aggraver la condition psychologique de la travailleuse.
Par conséquent, la contestation de la travailleuse est accueillie, elle a subi une lésion professionnelle.