Charles et Centre de soins prolongés Grace Dart, 2024 QCTAT 1859
Date de décision: 23/05/2024
Mots-clés: Article 2 LATMP, Bénéficiaire, Biscuits, Décision favorable à la travailleuse, Dépression majeure, Événements traumatisants, Fausses accusations, Infirmière auxiliaire, Infraction criminelle, Menaces, Mensonge, Succession d'événements cumulés, Suspension, Suspension de plusieurs mois, Trouble de l’adaptation avec humeur anxieuse
La travailleuse est infirmière auxiliaire dans un centre de soins prolongés. Le 29 mai 2019, alors qu’elle travaillait sur le quart du soir, elle s’est occupée d’une bénéficiaire difficile. Quand la travailleuse a avisé la bénéficiaire qu’il ne restait plus de ses biscuits préférés, celle-ci a lancé son jus par terre et lui a dit qu’elle allait le lui faire payer.
Au retour de sa pause, la travailleuse a appris que la bénéficiaire avait une bosse sur le front et qu’elle l’accusait de l’avoir blessée. Au petit matin, elle a aperçu la bénéficiaire, qui a réitéré à tous, en criant, que c’était elle qui lui avait infligé ses blessures et qu’elle allait le lui faire payer. Le même matin, la bénéficiaire a répété ses menaces et a tenté de foncer sur la travailleuse avec son fauteuil roulant.
Le lendemain, l’employeur a suspendu la travailleuse avec solde à des fins d’enquête. Cette dernière a été suspendue pendant plusieurs mois. À l’été 2019, la travailleuse a été mise en arrestation pour voies de fait. Au poste de police, on a pris sa photo et ses empreintes digitales. On lui a longuement parlé au sujet de la violence faite aux personnes âgées.
En février 2020, des journalistes de l’émission JE se sont présentés au domicile de la travailleuse, caméra en main. L’émission a par la suite été diffusée à la télévision. Même si le visage de la travailleuse était flouté, l’apparence de l’entrée de la maison et un aperçu de sa rue permettait de facilement l’identifier. La travailleuse a reçu des menaces par l’entremise des réseaux sociaux.
En août 2020, la travailleuse a été réintégrée au travail dans un autre établissement de l’employeur. Des personnes salariées la reconnaissaient et la pointaient du doigt en disant «c’est elle». Elle s’est sentie isolée et ostracisée.
En décembre 2020, les accusations criminelles portées contre la travailleuse ont été abandonnées, car la même bénéficiaire avait reproduit le même manège avec une autre employée.
En juillet 2021, un diagnostic de nature psychologique a été posé chez la travailleuse et un arrêt de travail a été prescrit.
Le Tribunal constate que la travailleuse avait vécu une série d’événements étalés sur plus de 1 an et que c’était cette accumulation qui avait mené à la consultation médicale de juillet 2021, soit le moment où un arrêt de travail a été prescrit.
Sur le fond, le Tribunal qualifie les événements relatés par la travailleuse de plus objectivement traumatisant les uns que les autres. Il a précisé que le fait qu’ils se soient succédé n’a fait qu’aggraver leur caractère traumatisant. Pour le Tribunal, il ne faisait aucun doute que les événements s’écartaient du contexte normal du travail: «le fait de se faire accuser d’une infraction criminelle, accusation qui a causé tous les événements successifs vécus par la travailleuse, le tout partant d’un mensonge, ne fait pas partie de ce à quoi on peut s’attendre dans un milieu de travail».
Finalement, la preuve démontre clairement une relation entre la lésion psychologique et les événements, la contestation de la travailleuse est donc accueillie.