Perron c. Gilles Veilleux ltée, 2024 QCCA 824
Date de décision: 21/06/2024
Mots-clés: Arrêt Boissonneault, Article 272 LATMP, Article 352 LATMP, Cour d'appel, Couvreur, Déchirure des tendons sus-épineux, Décision favorable au travailleur, Épaules, Motifs raisonnables, Réclamation hors délai
Le travailleur est couvreur. En décembre 2011, il consulte pour une douleur à l’épaule gauche. Son médecin lui diagnostique une épicondylite et une impression de tendinite à la coiffe. Il procède alors à des infiltrations de cortisone et les douleurs s’estompent par la suite. Ce n’est que le 24 novembre 2017 que le travailleur consulte de nouveau son médecin, pour une douleur aux deux épaules. Ce dernier réitère une impression de tendinite de la coiffe des rotateurs qu’il qualifie de récidivante et procède à des infiltrations.
Le 8 décembre 2017, le médecin du travailleur note une amélioration post-infiltration, soulève la possibilité d’une chirurgie éventuelle et prescrit une IRM des épaules, laquelle a lieu le 21 janvier 2018. En attente des résultats, le travailleur consulte de nouveau son médecin le 9 février 2018, lequel reconduit l’impression diagnostique de tendinite de la coiffe des rotateurs.
Le 4 avril 2018, le travailleur rencontre son médecin lequel, se fondant sur les résultats de l’IRM, lui diagnostique une «déchirure – tendon sus-épineux bilatéral ». Selon le témoignage du travailleur, c’est la première fois que le médecin évoque une maladie professionnelle. Ce dernier envoie d’ailleurs une attestation médicale à la CNESST », dans laquelle il pose le diagnostic d’une déchirure des tendons sus-épineux et qualifie celle-ci de maladie professionnelle. Il signale également qu’il n’y a pas d’arrêt de travail prévu. L’appelant est alors dirigé vers un chirurgien orthopédiste pour une éventuelle chirurgie.
Le 20 juillet 2018, le travailleur rencontre le chirurgien orthopédiste, lequel à son tour envoie un rapport médical à la CNESST constatant une déchirure des coiffes des rotateurs et date celle-ci du 4 avril 2018. L’appelant témoigne que c’est lors de cette rencontre qu’on l’informe qu’il doit produire une réclamation à la CNESST dès maintenant plutôt que lors de l’opération. Il dépose donc sa réclamation le 26 juillet 2018 et date l’événement, tout comme le chirurgien, au 4 avril 2018.
Le 22 août 2018, la CNESST refuse la réclamation au motif qu’elle est hors délai et qu’aucun motif raisonnable n’a été soumis expliquant le retard.
La question est donc la suivante: quelle date est à retenir comme point de départ du délai de prescription de 6 mois pour réclamer, tel prévu à l’article 272 LATMP?
Selon la CNESST et l’employeur: le 17 décembre 2017, date de la consultation pour des douleurs aux 2 épaules.
Selon le travailleur: Le 4 avril 2018, date de l’émission d’une attestation transmise à la CNESST avec référence en orthopédie…date à laquelle le travailleur obtient la certitude que sa lésion est reliée au travail.
La Cour d’appel explique: Aux termes de l’article 272 LATMP, deux éléments doivent ainsi être portés à la connaissance du travailleur pour que le délai commence à courir : la maladie et le lien entre celle-ci et son travail. En l’espèce, le seul élément qui ressort du témoignage de l’appelant est qu’il a un doute à l’automne 2017 que ses douleurs peuvent être liées à son travail parce que, dit-il, il travaille « pas mal fort ». Comme notre Cour l’affirmait dans l’arrêt Boissonneault, une telle déclaration surprend peu compte tenu de la nature du travail. Mais au regard du reste de la preuve et des circonstances particulières de l’espèce, une telle déclaration ne permettait pas de conclure qu’il avait alors été porté à la connaissance du travailleur qu’il était atteint d’une maladie professionnelle.
La Cour accueille l’appel du travailleur et retourne le dossier devant le TAT pour audience et adjudication sur le fond du litige.