Légaré et Raymond Therrien & Fils inc. (F), 2024 QCTAT 575
Date de décision: 16/02/2024
Mots-clés: Aides techniques, Article 1 LATMP, Article 146 LATMP, Article 151 LATMP, Article 152 LATMP, Caractère social de la loi, Décision favorable au travailleur, Ergonome, Fauteuil monte-escalier, Fauteuil roulant, Greffe lombaire, Hernie discale L5-S1, Interprétation large et libérale, Limitations fonctionnelles, Lit électrique, Plateforme élévatrice, Radiculopathie
Le travailleur subit un accident du travail le 15 décembre 2014 en lien avec une entorse lombaire. La lésion est consolidée à compter du 16 mars 2016 avec des séquelles permanentes.
Une récidive, rechute ou aggravation de la lésion initiale survient, le 10 novembre 2016, en lien avec une discopathie lombaire accompagnée d’une hernie discale L5‑S1 du côté droit sur une radiculopathie, lesquelles ont nécessité une greffe lombaire L5‑S1 et entraîné un trouble de l’adaptation avec humeur dépressive. Cette lésion est consolidée à compter du 14 février 2022 avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles de classe 4.
La CNESST rend par la suite plusieurs décisions par lesquelles elle accorde au travailleur des mesures de réadaptation et le remboursement de différentes aides techniques, notamment le coût d’acquisition d’un fauteuil roulant.
Dans ce dossier, la Commission refuse le remboursement de différents frais de réadaptation concernant l’acquisition d’un lit électrique, l’installation d’une plateforme élévatrice à l’extérieur du domicile et l’achat et l’installation d’un fauteuil monte‑escalier permettant d’accéder au sous‑sol du domicile. Le travailleur conteste et demande au Tribunal de lui accorder le remboursement des frais de réadaptation en cause.
La Commission justifie son refus d’autoriser le remboursement d’un lit électrique parce que celui‑ci ne constitue pas une aide technique visant à compenser les limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.
Le législateur a prévu que la réadaptation sociale est mise en œuvre selon un programme dont le contenu est énoncé à l’article 152 de la Loi. Le Tribunal explique que bien que cette disposition s’avère limitative aux situations énoncées, le dernier paragraphe prévoit que d’autres mesures de réadaptation peuvent être retenues dans les cas et les conditions prévus par règlement. Or, un tel règlement n’a toujours pas été adopté à ce jour.
Le législateur n’a donc pas énoncé quels sont les cas ni les conditions à ces « autres mesures». Néanmoins, il faut tenir compte qu’il s’agit d’une loi d’ordre public ayant un « caractère hautement social ». De surcroît, il est reconnu par la jurisprudence que celle‑ci doit recevoir une interprétation large et libérale de façon que son objet, défini à son article premier, soit atteint. Il s’agit, notamment, de réparer les conséquences de la lésion professionnelle qui est survenue.
Le Tribunal retient que tant l’orthopédiste que l’ergonome du travailleur s’entendent sur le fait que l’acquisition d’un lit électrique permettrait de varier les positions durant la nuit et ainsi éviter que le travailleur passe la nuit dans un fauteuil.
Il appert que cette recommandation est compatible avec la limitation fonctionnelle qui consiste à éviter de conserver la posture assise plus de 30 minutes. De plus, l’acquisition d’un tel lit respecte l’esprit des dispositions de réadaptation sociale contenues dans la Loi.
La contestation du travailleur est accueillie.