Succession de E.A. et Compagnie A, 2017 QCTAT 4184
Date de décision: 08/09/2017
Mots-clés: Aggravation d'une condition personnelle, Atteinte permanente, Commotion cérébrale, Décès du travailleur, Décision favorable à la succession du travailleur, Névralgie d’Arnold, Préposé à la fabrication de neige, Suicide, Traumatisme cranio-cérébral léger
Contestation de deux décisions de la CSST par la succession du travailleur. La première, à l’effet que le diagnostic de traumatisme cranio‑cérébral du travailleur est en relation avec la lésion professionnelle survenue le 24 décembre 2012 et qu’il en a conservé une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 1,10 %, sera rejetée sans représentation de la partie plaignante. La deuxième, à l’effet que le décès du travailleur n’est pas relié à l’accident du travail survenu le 24 décembre 2012, sera accueillie.
Les faits
Le travailleur était préposé à la fabrication de neige chez l’employeur. Le 24 décembre 2012, il subit une lésion professionnelle lorsqu’il se fait frapper à la tête et sur le côté du visage en allant relever un canon à neige qui venait de basculer. Il consulte trois fois entre le jour de l’incident et sa réclamation du 11 janvier suivant, une semaine après quoi la CSST déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 24 décembre 2012 dont le diagnostic est celui de commotion cérébrale sévère. Il continue à consulter pendant le mois suivant durant lequel il se fait prescrire une grande quantité et variété de médicaments pour traiter différents problèmes découlant de sa commotion : perte de mémoire, déficit d’attention, maux de têtes intolérables, nausées, vomissements, étourdissements, irascibilité (menant à des tensions conjugales), inappétence avec perte de près de 20 livres de poids, amputation du champ de vision temporel de l’œil gauche, perte de conscience, crises d’épilepsie, intolérance au bruit ou à la lumière, etc. Un médecin désigné par la CSST retient alors le diagnostic de traumatisme cranio‑cérébral léger et déclare la lésion non consolidée.
La mère du travailleur rapporte des idées suicidaires pendant deux mois post-accident. Un troisième diagnostic, la névralgie d’Arnold, est retenu le 10 avril 2013, puis reconnu comme lésion professionnelle par la CSST le 7 mai 2013. Au mois de mai et au mois d’octobre 2013, les rapports d’intervenants indiquent à nouveau que le travailleur souhaite retourner travailler et augmenter sa force. Par conséquent, il est motivé par le programme d’exercices physiques proposés. Il veut participer malgré les stresseurs personnels présents. Or, malgré une certaine amélioration de sa condition vers la fin de l’année 2013, le travailleur demeure incapable d’effectuer un retour au travail en raison de ses maux de tête, de son problème à l’œil gauche et de ses crises d’épilepsie ou ce qui en ressemble. Le travailleur s’enlève la vie le 27 mai 2014.
L’analyse
Le Tribunal s’interroge quant à l’influence respective des antécédents personnels du travailleur et de sa lésion professionnelle sur sa décision de mettre fin à ses jours. Le Tribunal reconnaît l’existence d’antécédents personnels tels que des migraines précédant l’incident du 24 décembre ainsi que des problèmes de toxicomanie, mais considère que c’est l’accident du travail qui explique de manière prépondérante le suicide du travailleur, puisque l’incident a considérablement amplifié les problèmes du travailleurs en plus de lui en créer des nouveaux. Pour le Tribunal, il ne fait pas de doute que l’aggravation de la condition du travailleur (soit l’augmentation de la fréquence et de la sévérité des migraines et autres symptômes) à partir de sa lésion professionnelle est principalement responsable de sa mort.
En conséquence le tribunal accueille la demande de la succession et reconnaît l’existence d’un lien entre le décès du travailleur et sa lésion professionnelle.