Choinière et Coffrage Gilles Lampron inc., 2018 QCTAT 6091
Date de décision: 14/12/2018
Mots-clés: Article 270 LATMP, Article 272 LATMP, Article 352 LATMP, Charpentier-menuisirer, Décision favorable au travailleur, FNCM local 9, Hors délai, Ignorance de la loi, Intimidation, Motif raisonnable, Réclamation hors délai, Surdité neurosensorielle
En février 2012, le travailleur a pris connaissance du fait qu’il souffrait d’une surdité d’origine professionnelle. En 2017, il a produit sa réclamation, mais celle-ci s’est avérée être en dehors du délai prévu à l’article 272 de la LATMP. Malgré cela, il a pu justifier ce retard grâce à un motif raisonnable selon l’article 352. Même si l’ignorance de la loi ne suffit pas pour prolonger un délai, cette règle stricte, issue du droit pénal, peut être assouplie si le travailleur prouve que des circonstances particulières ont rendu difficile la compréhension des démarches pour exercer ses droits.
Le travailleur a rapporté avoir subi de l’intimidation de la part de son employeur et qu’il n’a pas fait de réclamation pour justement ne pas nuire à leur relation. Il était craintif et voulait absolument garder son emploi. De son côté, l’employeur affirme que le travailleur aurait pu produire sa réclamation dès 2013, car à ce moment-là, ils n’étaient plus liés par un contrat de travail. Toutefois, le travailleur a cotisé à la RRQ chez cet employeur de 2007 à 2016 et a travaillé un total de 3 913,20 heures pour cet employeur entre 2013 et 2017. Ces preuves démontrent clairement qu’il ne voulait pas quitter son emploi.
Selon lui, dès 2012, son employeur ne lui a pas communiqué de détails sur la procédure ni les démarches à suivre, contrairement à l’obligation d’assistance prévue à l’article 270 LATMP. Cette obligation ne comprend pas la production d’une réclamation à la CNESST ou la rédaction d’une réclamation pour le travailleur. Ce motif ne peut être considéré comme un motif raisonnable à lui seul. L’employeur a laissé entendre au Tribunal qu’il n’a pas aidé le travailleur à compléter sa réclamation, car il estime que « le coffrage ne cause pas de surdité ». Lors de la rupture définitive du lien d’emploi en 2017, le travailleur a reçu une nouvelle attestation médicale avec un diagnostic de surdité neurosensorielle. Il pensait que son médecin transmettrait le dossier à la CNESST, mais ce n’est qu’après avoir consulté son syndicat qu’il a réalisé qu’il devait lui-même transmettre sa réclamation à la CNESST.
En conclusion, le travailleur ne connaissait pas la loi et ignorait les délais pour déposer sa réclamation. Il a ressenti que son employeur était réticent à l’idée qu’il fasse une réclamation pour surdité. Pour préserver sa relation avec son employeur et garder son emploi, il a attendu que le lien d’emploi soit définitivement rompu avant de faire sa réclamation (5 ans). Ces éléments constituent un motif raisonnable, ce qui rend la réclamation recevable.